mercredi 15 février 2017

Gymnaste




Lucien – Rue de l’Aiglon

Lucien a mal à l’épaule. Il a toujours souffert de cette épaule. Dans le temps il a fait beaucoup de gymnastique et il se l’ait abimée aux anneaux. Dans le temps, on ne soignait pas trop les blessures et puis en tant que charpentier à soulever de grosses poutres, il ne s’est pas arrangé. C’était toujours latent, il y a deux ans il a fait un faut mouvement en voulant  enlever un tablier et les tendons ont craqué. Le chirurgien a préconisé l’opération, Lucien n’a pas voulu. Il ne fait plus de sport, ne travaille plus alors il ne va pas s’embêter à rester 6 mois le bras en écharpe.
Lucien a commencé la gymnastique à l’ETOILE SPORTIVE MONTOISE à Mont de Marsan, il avait 10 ans. C’était pendant la guerre. Son père n’était pas là alors il est retourné avec sa mère dans sa famille à elle.
Après la guerre, retour à Dax où Lucien intègre la JAD – JEANNE D’ARC DE DAX- Un club de gymnastique catholique où il a fait les championnats jusqu’à l’âge de 30 ans. Il faisait de tout : la barre fixe, le cheval d’arçon, les barres parallèles, les anneaux… Il a été champion de France par 3 fois avec son équipe. Ils allaient dans tout le pays.
Quand il s’est marié, il a arrêté et il avait une entreprise à mener. Il ne pouvait pas tout faire mais il a toujours fait partie du club en tant que bénévole. Ainsi, le club a organisé plusieurs fois les championnats de France à Dax. Lucien se chargeait de l’accueil des gymnastes.
Lucien est né en 1933. Ses grands-parents avaient habité le Sablar. Avec ses parents ils habitaient vers l’ancien hôpital, rue Joseph Darqué. Lorsqu’il s’est marié il a logé avec sa femme dans un appartement à côté de chez Coco Lafitte. Un conseiller municipal lui a proposé un terrain ici.
Il l’a acheté en 1962 et  il a mis 2 ans à construire sa maison. Il y a travaillé tous les soirs, tous les week-ends et tous les jours de fêtes durant 2 années. Son père ou son beau frère venait l’aider de temps en temps. Quand il a fait les fondations son beau-père lui a dit « Qu’est ce que vous êtes en train de construire ? Un château ? ».
Jean a fait construire sa maison en même temps que Lucien. Ils sont voisins depuis 54 ans. A l’époque chacun travaillait alors ils ne se voyaient pas. A la retraite, ils se sont fréquentés plus tout en restant chacun chez soi.
Aujourd’hui qu’ils sont  veufs, ils se voient tous les jours et deux soirs par semaine Lucien va chez Jean pour regarder le rugby. Lucien n’aime pas le foot, pour lui les joueurs de foot sont des pousses citrouille.
Lucien ne va jamais au stage voir les matchs de rugby. Il a arrêté d’y aller en 1962 quand il a démarré le chantier de la maison et puis il préfère les regarder au chaud chez lui ou chez Jean, bien installé dans un fauteuil avec un petit jus de fruits.
Lucien aime son quartier. Il s’entend très bien avec tous ses voisins. Dans la rue, ils se retrouvaient souvent à 50 pour des repas de quartier à l’occasion du 14 juillet ou des fêtes de Pâques.
Et puis, l’un a commencé a décéder, puis un 2eme.. et maintenant ils ne restent que quatre mais ils continuent à se retrouver pour ne pas perdre les bonnes habitudes. L’été quand il fait beau, ils font des moules frites sur la terrasse derrière et ils mangent l’omelette de Pâques chez Madame Ducasse.
Lucien a longtemps fait parti du Comité des fêtes des Tonneliers avec Coco. Autrefois il y avait énormément d’animations dans le quartier et chacun donnait de lui-même. C’était le petit train, les spectacles, les défilés, le bal costumé, la course cycliste, le carnaval, la fête !
Tous les jeudis, Lucien va jouer aux cartes à la salle des Jonquilles. Le mardi et le vendredi après-midi, il y a les aides ménagères et il est obligé de rester chez lui.
Cécile, la femme de Lucien est décédée le 16 juillet 2015 après 54 ans de mariage. Tout seul, Lucien fait ce qu’il peut. Sa femme aimait beaucoup la photo. A chaque voyage, elle ramenait au moins 500 photos.
La petite fille de Lucien fait une école d’audiovisuel, elle apprend le montage.  Elle fait des photos magnifiques.


Chez Monique




Monique et Lucien, avenue des Tuileries

Monique s’est marié avec Lucien en juin 1960 et ils sont venus habités le Sablar. Le jeune couple s’est installé dans un appartement impasse Lafitte. C’était  une cuisine et une chambre avec juste un robinet d’eau. Lucien allait aux douches municipales rue de la Tannerie. Monique n’y allait pas, elle faisait sa toilette avec une bassine, le haut, le bas, elle faisait chauffer l’eau. C’était comme ça autrefois. Ils sont restés dans cet appartement juste quelques mois et sont venus s’installer 82 avenue des Tuileries en mars 1961.  Le 19 mars 1964 Monique a repris le bar  en gérance en dessous de chez elle qu’elle a baptisé « Chez Monique ».
Le propriétaire a voulu récupérer leur appartement alors avec Abel ils ont acheté la maison du 88 pour s’y installer et le bar « Chez Monique » a suivi.
Abel travaillait à l’extérieur, il était électricien. Monique faisait le bar et des petits casse-croûtes. Elle cuisinait des choses simples, des œufs frits, de la ventrèche, l’entrecôte… C’est les clients qui amenaient ce qu’ils voulaient et Monique le faisait cuire. C’était surtout les casse-croûtes du matin pour les ouvriers. Les gens consommaient du vin qu’elle faisait venir de la campagne en barrique, du vin de Pouillon, de Gaas, de Heugas dont elle est originaire.  Les clients donnaient toujours un petit quelque chose pour la cuisine que Monique plaçait  dans une tire lire cochon et  qu’elle mettait ensuite à la Caisse d’Epargne pour les enfants.
D’avoir le bar, a permis que Monique soit toujours là pour ses enfants. Elle pouvait ainsi toujours s’occuper d’eux. Dès qu’ils ont eu 12 ans, ils aidaient au service.
Quand Abel a pris la retraite en 1990, il est venu travailler au bar et à partir de ce moment là ils proposaient des repas le samedi soir. C’était toujours sur réservation car ce n’était pas un restaurant ordinaire. Ils cuisinaient le poulet aux oignons, la daube…
Durant les fêtes de Dax, ils installaient une grande bâche tout le long de la porte et ils servaient jusqu’à 80 repas par jour. C’était haricots Taureau ou daube de taureau, le matin à partir de 9 heures, toujours sur réservation par des gens de leur connaissance. Ce n’était pas un restaurant finalement ! C’était surtout un lieu de rencontre, de convivialité et d’amitié.
Monique a tenu le bar durant 40 ans. Elle l’a ouvert tous les jours, dimanches et jours fériés compris et n’a jamais pris de vacance. Elle a fermé le 31 décembre 1999.  Elle  n’en pouvait plus de la tête, elle n’en pouvait plus d’entendre les clients discuter de la chasse, de la pêche, du rugby, de la politique.  
Elle avait commencé à travailler à l’âge de 15 ans comme employée de maison chez DAGES. Les DAGES étaient une famille de commerçants de Dax, épicerie fine et droguerie ;  à l’époque ils avaient le CODEC. Monique travaillait pour la famille, elle faisait le ménage, la cuisine, la lessive à la main. Elle était logée au 3eme étage de l’immeuble. Elle était bien traitée et a connu avec eux une vie de famille extraordinaire. Il n’y avait aucune différence entre les membres de la famille et les employés. Elle en est sortie à 21 ans pour se marier. Monique a connu Lucien dans un bal. Au début elle ne voulait pas le voir car il portait un blouson noir et puis quelques mois après, en été, il l’a séduite.  
 Elle arrivait de Heugas. Ils étaient 7 enfants, elle était l’avant dernière. Ses parents étaient paysans. Sa mère était paralysée de tout le côté droit du corps depuis l’âge de 30 ans, suite à un grave accident de vélo.  Monique l’a toujours vue comme ça et n’a pas connu de maman autrement. Sa mère est morte de chagrin suite au décès de son père. Ils étaient très unis malgré tous leurs malheurs. Les parents de Lucien, c’était pareil, ils s’aimaient  énormément. Leurs parents respectifs ont été pour eux  de beaux  exemples.


 

Positive !



Jocelyne –Impasse des Batteliers

Jocelyne est née à Gosse, un petit village à quelques kilomètres de Dax, dans une famille de paysans qui pratiquait l’échange, le partage et la solidarité.
Quand elle est arrivée là, son premier réflexe a été de se présenter aux voisins. Ainsi, elle est devenue amie avec Colette et avec Michel et Chantale. Cela lui a permis de se sentir mieux dans son petit logement.
Elle a aménagé en 2015. Elle était de Dax. Elle y avait travaillé en tant que responsable d’un magasin au Grand Mail. Puis, elle avait tout laissé tomber pour un homme, partie au bout de la France. Dix ans plus tard, elle revient sans rien. Il a fallu que Jocelyne redémarre sa vie à zéro.
En 2011, elle est tombée gravement malade avec à la clé une lourde opération à cœur ouvert. Maintenant Jocelyne a une valve toute neuve. Elle est arrivée dans cet appartement par hasard. C’est le seul qu’on lui a proposé. Aujourd’hui elle est assistante de vie dans une classe pour aider un enfant handicapé à mi-temps et elle bosse aussi pour une société en tant que nounou à domicile. Elle a des horaires très « baroques ». Elle arrête l’école à 16h et prend son travail de nounou à 19h. Elle fait aussi des gardes le soir. C’est à la demande car elle est réserviste. Tout ça en CDD, la précarité n’est pas loin.   
Jocelyne n’a pas pu reprendre son ancien métier de commerçante car elle ne rentre pas dans les stéréotypes. Elle ne fait pas du 34 ! Et avec tous ce qui lui est arrivé elle n’adhère plus au monde si particulier de la vente, à la compétition, à la rentabilité. Les enfants qu’elle côtoie lui apportent un amour sans condition. L’âge, le poids, l’apparence ne rentrent pas dans leurs critères. Ils apportent à Jocelyne une vraie bulle de bonheur qui lui a permis de rebondir.
En parallèle, elle s’occupe bénévolement d’une équipe de basket. Elle aide l’entraineur à initier les petits de 5 ans à la pratique. Jocelyne est une ancienne joueuse.
Malgré tous les aléas de la vie, Jocelyne reste très positive. Elle regarde toujours le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. C’est important.  Elle est en vie et a deux enfants magnifiques. Elle est très proche d’eux.
Si on avance pas, on déprime et on ne fait rien.
Jocelyne a une passion pour la peinture. Il y a un an, elle s’est mise à peindre. En fait, elle ne savait pas qu’elle savait peindre. Ces enfants ont provoqué la chose en lui offrant des cours dans un atelier créatif rue Saint-Vincent de Paul. Elle peint quand elle ne va pas bien. Peindre la calme, lui permet de se poser et de mettre sur la toile toutes ses mauvaises humeurs.
Jocelyne se dit fière de son parcours parce qu’elle s’est redressée.


jeudi 19 janvier 2017

Danseuse étoile




Alexia –Rue de la Tannerie

Alexia a 7 ans et va à l’école du Sablar. Le nom de l’école a changé. Maintenant c’est l’école Simone Veil.
Alexia habite dans un grand appartement au 6eme étage depuis qu’elle est toute petite. Elle n’aime pas trop l’ambiance de l’école car il y a des bagarres, des disputes, des gros mots. Elle ne s’en mêle pas. Elle essaye de calmer ses camarades. Elle n’aime pas la violence. Il va y avoir de nouvelles règles qui vont être mises en place et  elle espère que cela ramènera le calme.
Alexia aimerait avoir une petite sœur pour jouer avec elle. Quand sa maman n’est pas là et qu’elle s’ennuie, Alexia joue des rôles et se parle toute seule. Elle a beaucoup d’imagination et elle aime dessiner. Dessiner la calme quand elle est en colère.
Quelquefois elle est bloquée sur des devoirs et son papa l’aide beaucoup. Sa maman est médecin à l’hôpital de Dax.
Alexia fait du basket à Candresse et à Dax. Elle est dans deux clubs pour mieux s’entrainer car elle veut progresser.
Elle a plein de doudous. Les 3 principaux sont dans son lit. Il y a un ours qui s’appelle Louna, un hyppopotame qui se prénomme Boby et Charlotte aux fraises qui est une petite fille en tissus. Elle préfère Louna parce qu’elle est toute chaude et elle la serre fort dans ses bras le soir pour s’endormir.
Alexia est heureuse car elle est avec ses parents et qu’ils l’aident. Ils l’aident pour qu’elle devienne intelligente.

Elle voudrait être danseuse étoile.

Tout est fini




Manuel –Rue des Phalènes

Manuel habite dans sa maison depuis 36 ans. Il l’a entièrement construite de ses mains. Il était maçon. Sa femme est  morte d’un cancer il y a 3 ans. Il ne s’y habitue pas. Elle faisait quelques heures de ménage et s’est occupée des enfants. 
Deux fois par semaine, le mardi et le jeudi Manuel va jouer aux cartes à la salle des Jonquilles et les autres après-midis il se rend au Parc des arènes pour jouer à la pétanque. Il ne peut pas rester enfermé chez lui.
Félix et Chantal, ses voisins, sont venus au moins 6 ou 7 fois dans sa maison au Portugal. Pour lui, maintenant tout est fini. A 82 ans, il cultive encore son jardin . Il s’était marié avec Maria à Guarda, au Portugal en 1956 et ils sont venus en France, à Clermont Ferrand en 1962. Maria l’a rejoint avec leurs deux enfants, le dernier est né en France.
 Cela fait 52 ans que Manuel est en France. La France c’est son pays !
Maintenant qu’il est seul, Manuel fait tout dans la maison. Il y a juste une femme de ménage qui vient une fois par semaine surtout pour le repassage. Dans la maison,  tout est resté exactement comme quand Maria était là.
Demain à 17h30 Manuel se rendra à la Mairie  pour la remise des prix du CONCOURS DES MAISONS FLEURIES, il amènera Marie-France qui est en panne de voiture.  

La Sablaraise




Géraldine – Allée Pampara

Géraldine est née le 20 mars 1986 à 20 heures à l’hôpital de Dax, c’est une pure Dacquoise et pure Sablaraise !
Elle a tout le temps vécu ici, dans sa maison. C’est la maison de ses parents. Elle a fait ses premiers pas au 30 allée Pampara chez Claudine, une voisine et une amie très chère, en face du garage Alpha Roméo.
Elle a passé toute sa scolarité à l’école du Sablar où ses enfants sont aujourd’hui. Rien n’a changé dans cette école. Il y a toujours Isabelle, Christine et Rose-Marie, fidèles au poste.
Géraldine a perdu son papa le 24 avril 2007 et elle a hérité de la maison, pour elle il était hors de question qu’elle la quitte. Tout l’attache au quartier : son enfance, les souvenirs, l’amitié avec les voisins. Ici tout est à proximité, la gare et le centre ville. Le Sablar c’est sa vie et pour rien au monde elle ne le quitterait.
Depuis peu, Géraldine est membre du Conseil Citoyen du Sablar.
Son mari est arrivé en France en 2006. C’est un pur portugais originaire de Porto. Il est coffreur-brancheur. Géraldine l’a rencontré dans un magasin portugais de l’avenue Saint-Vincent-de-Paul où elle aidait la patronne.
Ils ont deux enfants Laélia et Soan. Ils ont des prénoms originaux parce qu’elle aime bien sortir de l’ordinaire.
Géraldine est agent d’entretien hospitalier en psychiatrie à la clinique Maylis à Narrosse et elle adore son travail. Au départ elle avait fait des études de secrétariat mais c’était très bouché. Alors elle a enchainé les petits boulots, le tri des asperges, l’insémination des canards, le ménage en camping.  Elle a galéré jusqu’au 1er mars 2014 où elle a obtenu son premier CDI à la clinique. 

Elle aime son métier parce qu’elle aime les gens. Elle sert les repas et fait le ménage. Les personnes dont elle s’occupe sont malades et lui renvoient énormément d’affection. Elle reçoit leurs confidences et se rend utile à leurs yeux. Quand elle part travailler, elle laisse les soucis au bas de la côte. Elle dit ça parce que la clinique est en hauteur.

jeudi 15 décembre 2016

Confidences




Félix et Chantal - rue des Phalènes

Félix et Chantal ont tenu le salon de coiffure TOP COIFFURE, rue Saint-Vincent de Paul durant plus de vingt ans. Félix est parti à la retraite en janvier 2012.
C’était un salon qui est resté fermé 3 ans et ils ont remonté l’affaire en repartant de zéro. Le Sablar est un quartier qui est familier et sympathique avec un esprit de convivialité qu’ils ne retrouvent pas dans le centre ville de Dax. Tous leur collègues commerçants ont regretté de quitter le quartier. Pendant des années, le samedi soir après le travail, ils allaient tous ensemble prendre l’apéro entre commerçants au CAFE DU PONT. Dans ce café c’était incroyable le monde qu’il y avait et puis il a fermé.
Lorsqu’ils sont arrivés dans le quartier, Félix et sa famille a habité un appartement de l’immeuble le  Goya, le salon de coiffure était dans la galerie marchande, juste en dessous. A l’époque, tous les locaux étaient occupés, librairie, esthétique, encadreur, tissus au poids… et au 1er étage il y avait une salle de gym. Maintenant, c’est le désert. Certains ont cru au miracle en partant s’installer dans les centres commerciaux. Des rues entières se vident de leurs commerces. C’est préoccupant.
Avant de reprendre TOP COIFFURE, Félix est resté 11 ans dans le Béarn avec un associé. Ils habitaient à Navarrenx. Chantal était dans la comptabilité mais elle a été licenciée car elle avait la crampe de l’écrivain. Elle a été reconnue travailleur handicapé alors elle s’est reconvertie dans la coiffure.
Félix travaille encore deux jours par semaine au salon, il ne peut pas s’en passer. Maintenant c’est sa fille, Christelle qui le tient. Il a des clientes qu’il suit depuis des décennies et il a besoin d’être en contact avec les gens.
On a toujours dit qu’après le confessionnal c’est chez le coiffeur que les gens se confient. Il est prêt à encaisser toutes les confidences et reste discret. Certaines clientes disent « je vais chez le coiffeur pour me détendre », elles oublient les aléas du quotidien. Dans 80 % des cas, une cliente veut que l’on soit à son écoute. Au début de son mariage, Chantal ne comprenait pas qu’en rentrant chez lui, Félix avait besoin de faire le vide et de ne pas parler. Il n’allait pas lui raconter les petites histoires des unes et des autres, que le chien de madame une telle était mort et qu’elle était au fond du trou.

En 91, grâce à Monsieur et Madame Rosa ils ont trouvé un terrain rue des Phalènes et ils se sont embarqués dans la construction d’une maison. Ici c’est calme et l’ambiance entre voisins est sympathique. Chaque année ils organisent le repas des voisins et le soir du réveillon de Noël avec Papy Rosa, Félix participe à l’illumination du quartier du Sablar dans les rues alentours, organisée par les BARRICAÏRES. De 17h45 à 19h30, ils installent des petites bougies tous les 5 mètres depuis le rond-point d’AUTOVISION jusqu’au bout de l’allée Pampara et dans la rue des Phalènes, c’est une bougie tout les 2 mètres. D’autres membres des BARRICAÏRES en installent rue des Jonquilles, rue des Peupliers et rue des Vergnes. Le Sablar s’illumine pour fêter Noël.

Donner et recevoir




Rolande –Rue des Vergnes

Sur cette photo ce sont ses deux fils Eric son aîné et le second Didier. Cette photo a été prise au studio Raymond, dans les années 60.
Rolande est Castetière c’est à dire qu’elle est née à Castets, à 20 km d’ici, sur la route de Bordeaux.
Elle est arrivée au Sablar en 1964, l’année de son mariage avec Roger. En 1952, elle était entrée comme employée  de maison chez Maître Max Moras, le Maire de Dax. C’est lui qui les a mariés.
Elle a continué à travailler chez les Moras comme femme de ménage et Madame faisait appel à elle pour les grands repas. Rolande a toujours été une bonne cuisinière. Elle avait appris chez les sœurs à coudre, à broder, à cuisiner et à tenir une maison.
Cette année il n’y aura pas de foie frais à Noël à cause de la grippe aviaire.
Le mari de Rolande est né au Sablar, rue de la gare et quand elle s’est mariée, elle a aménagé chez sa belle-mère. Ensuite Roger et Rolande ont eu un logement HLM à Lespes, dans une des tours. Ils y sont restés 10 ans et en 77 Max Moras a pu leur faire avoir cette maison. C’est malheureux à dire mais il n’y a que le piston qui marche pour avoir un logement social. Elle en avait marre des tours avec du monde dessus et dessous. Au début tout se passait bien, c’était très calme mais après ça c’est un peu gâté.
Roger était la mascotte de l’USD, Union Sportive de Dax, le club de rugby. Tout petit les joueurs le faisaient suivre partout. Il a toujours joué au rugby. Son surnom « petite mascotte » lui est resté. Il était secrétaire chez CASTEX- plumes et duvet - jusqu’à son pépin cardiaque. Ensuite il est devenu vendeur indépendant dans la literie.
Rolande a travaillé aux Thermes puis en 1994 elle est partie travailler comme femme de chambre au SPLENDID où elle est restée jusqu’à la retraite. A l’époque elle doublait sa paye avec les pourboires. Maintenant les gens ne donnent plus comme autrefois.
Roger est décédé en 94 et leur fils cadet Vincent en décembre 95. Il aurait fait 41 ans le 15. Maintenant elle arrive à en parler facilement, avant elle ne pouvait pas l’évoquer. Souvent, Rolande communique avec eux. Quand Vincent était dans le coma, elle lui a demandé ce qu’elle devait faire pour l’aider. Elle a ressenti une grande chaleur et a reçu l’information qu’il était juste de donner ses organes pour sauver d’autres vies.
Que l’on sache donner si on veut recevoir. La vie ne fait pas de cadeau. Rolande est d’une famille de diabétiques. Sa grand-mère paternelle se mettait des sangsues derrière les oreilles pour nettoyer son sang. Elle partait avec elle dans les ruisseaux pour les attraper. Elle est décédée très âgée. Elle ramassait la carotte sauvage et les fleurs de camomille.

Rolande anime l’association les BARRICAÏRES avec son fils Didier qui en est le président. Cette association de quartier s’est créée pour proposer des animations aux habitants du Sablar. Chaque année en mai, ils organisent un grand loto, des jeux pour les enfants et un repas. L’année dernière, au menu c’était salade landaise avec graisserons et boudin, croupions, fromage et dessert. Un grand chapiteau est dressé sur la place du Maréchal Joffre et le dimanche pour clôturer les festivités c’est les floralies. 

mercredi 14 décembre 2016

Authentique




Henri Gérard Laborde – Rue des Narcisses

Gérard est né dans le bas Sablar, 90 avenue de Strasbourg (avenue des Tuileries) pendant la guerre, en 1943. Sa mère lui racontait qu’elle crachait dans les képis des officiers allemands qui venaient dans le plus beau magasin de lingerie de Dax, où elle travaillait. C’était rue des Carmes à la MANUFACTURE TRESAUGUE. Elle était sténo-dactylo mais en fait elle faisait marcher l’entreprise.
Les gens ne parlaient pas de ce qui s’était passé durant la guerre. Pour faire sortir les histoires des gens il faut s’accrocher !
En ce moment, Gérard travaille sur l’histoire des américains à Dax en 1918. A Dax, même les édiles locales ne savent pas que les américains sont venus. Il y a une occultation de la mémoire collective sur bien des choses.
Il est resté au  Sablar jusqu’en 1956, il y a fait sa communion et même s’il allait en colo chez les curés, il distribuait l’Humanité dimanche sous les portes avec sa grand-mère. Il allait plutôt au patronage des curés pour y jouer au foot. Au patronage laïc des normaliens c’était pas son truc.
Au Sablar, il a fréquenté  l’école du Cap dou poun (tête du pont). Aujourd’hui il reste encore le mur des pissotières de l’école.
Gérard est dacquo-dacquois et il est une référence dans l’histoire locale. Il a écrit plusieurs livres dont les plus fameux sont un ouvrage sur la course landaise et l’autre sur Maurice Boyau, le 5eme as français de la grande guerre. 35 victoires homologuées. Dax l’a récupéré mais il est né en Algérie.
Les gens de Dax n’ont jamais été gaulois. Ils étaient gascons et moitié sarrasins. La Gaule s’arrêtait au nord de Bordeaux.
Gérard a vécu 25 ans à Pomares, il était instituteur et directeur de l’école. Il n’a jamais dit aux gamins que leurs ancêtres étaient gaulois. Il n’a jamais transigé avec ça.
Depuis Tartas, il partait des amphores remplies d’ortolans pour faire manger les empereurs romains, César et Néron.
L’histoire lui a toujours posé problème dans sa carrière d’enseignant car elle est remplie de mensonges et de falsifications. Il se demande même si la vraie histoire existe. Selon que vous êtes dans un camp ou dans l’autre elle sera très différente. Il faut toujours garder son libre arbitre contre vents et marées.
Quand il était petit les Albaladego habitaient juste derrière chez lui. Tout le monde prenait l’air le long de l’Adour, ils étaient chaque soir 50 ou 60 assis sur le parapet. Ils jouaient aux quilles chez PEYROUX. A cette époque il y avait la vie. Les gens vivaient réellement les uns avec les autres.
Cette impression de vie authentique et spontanée il la retrouve à la chasse car la chasse vient du fond des âges.


Trouver sa voie




Zhana–Rue Saint-Vincent de Paul

La famille de Zhana est originaire d’un petit village dans les montagnes au sud de la Bulgarie, tout près de la frontière avec la Grèce qui s’appelle Kesten. Ses deux grand-mères y vivent toujours. Ses parents y sont nés. Il n’y a pas de route, juste un chemin de pierre pour y accéder. Chaque été, elle s’y rend avec son mari et ses filles.
Zhana m’offre une tisane de Mursalski tchaï qui est cultivé dans ces montagnes.
Elle s’est mariée avec Siméon en 2009 et ils ont décidé de venir en France parce qu’en Bulgarie c’était dur surtout au niveau du salaire. Le salaire minimum est très bas alors que le niveau de vie est pratiquement le même qu’en France.
Ils ont débarqué à Marseille chez une cousine et tout de suite Siméon a trouvé du travail dans le bâtiment avec le mari de la cousine. Par des relations, ils ont été tous les deux recrutés pour se mettre au service d’une dame atteinte de la maladie d’Elzeimer qui habitait une propriété à Momuy près d’Hagetmau. C’est comme ça qu’ils ont atterri dans les landes. Ils étaient logés. Zhana s’occupait de la dame et Siméon bricolait. L’employeur leur a fait les papiers et ils étaient en règle. L’histoire s’est mal finie et ils ont eu 48 heures pour quitter les lieu. Heureusement qu’ils avaient assez épargné pour s’acheter une voiture. Ils ont filé vers Dax et se sont installés dans un studio au Sablar, derrière le cinéma. Le propriétaire n’était pas trop regardant sur leur situation précaire du moment qu’il touchait le loyer. Puis Zhana est tombée enceinte et il a fallu qu’il trouve un appartement plus grand. Ils sont arrivés dans celui-ci deux jours avant la naissance de Christine.
Siméon aimerait avoir une maison. En Bulgarie, la plupart des gens on leur propre maison et les parents essayent toujours d’assurer le logement à leurs enfants pour qu’ils fondent une famille. Là-bas avant de se marier il faut avoir la maison. Mais actuellement cette pratique se perd un peu, surtout dans les grandes villes.  
Zhana parle parfaitement le français car elle a étudié le français au lycée bilingue puis à la faculté. Elle a un diplôme de traductrice. Elle a fait plein de petits boulots en intérim. Elle a fait les asperges en saisonnière à Castex. Puis elle a repris ses études pour être institutrice en faisant une année spéciale Métiers de l’enseignement. Elle a bossé jours et nuits pendant un an : la biologie, la physique, les maths, le français,  l’EPS, la psycho, le développement de l’enfant… Elle a validé toutes les matières mais n’a pas réussi le concours. Pour l’instant, elle a abandonné cette piste. Elle suit ses ambitions et ne se laisse pas faire aussi a-t- elle passé le CAP Petite enfance en candidat libre. Avec son CAP en poche, elle s’est présentée au  concours pour être ATSEM (agent territorial spécialisé des écoles maternelles)  le 17 octobre, elle attend les résultats. Il y a 1500 candidats pour 40 places. En attendant, Zhana a été embauchée en contrat aidé à la Mairie de Dax pour travailler dans une école, elle est à la cantine et à l’animation en renfort, cela lui fait de l’expérience. Le plus dur était de trouver sa voie.

mardi 29 novembre 2016

Remonter la pente




Bernadette – Tour de Lespes

Bernadette a passé 52 ans de vie commune avec son mari. Il est décédé il y aura un an le 5 janvier prochain. Il était à la retraite depuis 2000 et il s’est mis à la généalogie avec passion. Toutes ses recherches accumulées sont dans l’armoire et Bernadette ne peut pas y toucher. C’est un empire de papiers ! De voir tout ce travail la rend triste. Elle se demande si cette obsession ne l’a pas rendu malade. Dès le premier jour de sa retraite il est devenu accro à la recherche généalogique. Il s’était transformé en véritable détective et Bernadette l’aidait. Ils partaient ensemble pour ses recherches, à droite à gauche. Il sortait tous les jours  pour aller aux archives lire des microfilms.
Maintenant Bernadette est seule et le soir elle s’ennuie mais elle a remonté la pente assez facilement. Elle s’est raisonnée. Elle vit pour sa fille et ses petits enfants qui sont à Carcasonne.
Sa voisine de palier a perdu son mari il y a 10 ans. Elles ont toujours été soudées et elles se connaissent depuis 50 ans. Bernadette pense qu’elle ne pourra pas l’entraîner dans une relation avec moi car elle est très discrète. Simone en haut c’est pareil. Elle a un copain et va jouer aux boules.
Dans la maison, Bernadette a toujours tout fait : les courses, le ménage, la paperasse. Souvent son mari disait « Il vaut mieux que ce soit moi qui parte le premier ». Ils étaient un couple avec des hauts et des bas. Il avait du caractère. Elle, elle laissait passer.
Bernadette est née à Parentis, son mari à Beaugency dans le Val de Loire. Lui, il aimait la haute lande alors ils se sont installés à Dax. Elle a travaillé aux chaussures BCD, ex CHAUSSURES DACQUOISES. L’usine appartenait à Monsieur Clément, adjoint au Maire Max Morras. Sous Giscard en 1976, les employés ont été licenciés, et Bernadette a occupé l’usine avec ses collègues pendant 15 jours et 15 nuits.
Elle est dans cet appartement depuis 1968, c’était neuf et il fallait que les appartements se remplissent aussi ils n’ont pas eu trop de mal à l’obtenir. Bernadette avait une cousine germaine qui connaissait bien Maître Gizard et elle lui en avait touché un mot. A l’époque les locataires étaient des gens bien. Sa fille voudrait  qu’elle parte d’ici mais ce serait dur pour elle. L’appartement est bien conçu avec un grand balcon et deux chambres. Au 7eme étage la vue est magnifique. Ce qu’elle aime ici c’est que c’est la ville à la campagne. L’été elle met la table et le parasol sur le balcon et elle en profite.

Tous les samedis matin Bernadette se lève à 5h30 pour aller au marché. Elle part à 6h40 pour y être à 7h00. Elle gare sa voiture à Chanzy, toujours à la même place. A cette heure là il n’y a pas grand monde sur le marché pour discuter. A 8h15, elle est revenue avec le pain frais qu’elle fait griller pour son petit déjeuner accompagné de beurre et de confiture.  

Tranquilité




René et Myriam – Résidence Les Tonneliers

René se rase assis à la table de la salle à manger parce qu’il ne peut pas rester debout à cause de ses lombaires. Il a eu des hernies discales et s’est fait opéré du cœur 2 fois. Changement d’une valve, contrôle et retour à Haut-Levêque ! Il y avait de l’eau autour du cœur. Ils l’ont complètement haché. Deux anesthésies dans la semaine lui ont fait perdre la tête. Ils ont même été obligés de l’attacher au lit. René s’en est sorti. Il a perdu le nerf sciatique de la jambe gauche qui est complètement naze aussi il marche avec un déambulateur. Il dit avec humour que sa jambe est partie au cimetière.
Dans la maison c’est lui qui commande, ce n’est pas le chien. Il a aboyé toute la nuit, il mange trop de cochonneries. Hier il a passé 2 heures sur le balcon à attendre Myriam, il a attrapé froid.
Depuis 2014, René attend que le bailleur refasse les façades et l’isolation de la résidence. L’appartement est très humide. René et sa compagne Myriam habitent la Résidence des Tonneliers depuis 8 ans, avant ils étaient rue Chanzy. Il était gardien de la résidence STUDIOS FOCH et madame était concierge. Ils y sont restés 5 ans. C’est là qu’il s’est bousillé le dos et elle toute seule ne pouvait pas tout faire, alors ils ont été obligés de partir. Ils achetaient des fleurs et égaillaient les espaces verts. Ils avaient un balcon magnifique plein de géraniums. C’est dommage qu’il n’ait pas de photo. En fait, la pellicule est toujours dans l’appareil, depuis le temps. C’est un appareil photo argentique, un Olympus, une bonne marque.
René et Myriam ont bataillé pour obtenir cet appartement. L’office HLM voulait les mettre au 7eme étage d’une des tours de LESPES mais pas question car les ascenseurs tombent souvent en panne. Ils ont demandé à avoir un petit pavillon pour être plus tranquilles. Ici, ils ne peuvent même pas se mettre sur le balcon pour prendre les repas, les gens passent presque au raz de la table. Ils sont en train de manger et les gens regardent dans leur assiette.
Myriam va faire ses courses au Leader Price presque tous les matins puis elle va promener Tao. Le coiffeur et le toiletteur pour chien viennent à domicile. C’est pas plus cher et c’est pratique.
Ils ne reçoivent jamais personne. Avec les voisins c’est juste bonjour, bonsoir. Ils aiment leur tranquillité sinon ça fait des histoires. Chacun chez soi mais si quelqu’un a besoin d’eux, ils sont là !

Tous les soirs René et Myriam regardent « Plus belle la vie ». Myriam a longtemps regardé « Les feux de l’amour » mais maintenant ça l’énerve, c’est toujours les mêmes histoires. La femme de Victor qui boit, qui cache les bouteilles, qui divorce puis se remarie avec lui. Ils se sont remariés 3 ou 4 fois... La vieille Chancelor est morte il y a un an mais elle est toujours dans le feuilleton.

vendredi 18 novembre 2016

Voltigeuse



Nathalie –Résidence Les Tonneliers

Nathalie a pris un chat pour le sommeil et c’est efficace. Le ronronnement l’apaise et grâce à Mystic elle dort beaucoup mieux. Quand elle a mal à l’épaule, le chat s’y met dessus pour la réchauffer.
Elle est originaire de Dax, du quartier de Berre et est arrivée au Sablar machinalement. Avant elle habitait avenue Saint-Vincent de Paul et a fait une demande aux HLM pour un appartement dans la résidence. Elle est à 5mn de son travail.
Nathalie est conductrice de cars à la société RDTL. Elle fait le bus de ville, les scolaires, les navettes, le service à la demande, les voyages organisés dans toutes les landes et au-delà pour amener des groupes. Dans l’entreprise, elle est ce qu’ils appellent une voltigeuse, c’est à dire qu’elle passe d’un service à l’autre pour des remplacements. Elle aime être voltigeuse car ainsi elle ne s’ennuie pas et rencontre toujours des gens différents. Elle voyage et découvre de nouveaux endroits comme quand elle amène des gens à la montagne. L’autre jour elle a découvert le Pic d’Ossau.
Avant d’être chauffeur de car, Nathalie a fait plein de boulots : cuistot, boulangère, livreuse de pain.
Elle n’aime pas rester sans rien faire, ça la fatigue.
Depuis l’année dernière, elle s’est engagée dans l’association les POTS EN VILLE qui a pour but de mettre en place des bacs dans le quartier pour y planter des légumes, des fleurs, des plantes aromatiques. En principe l’association doit regrouper le maximum d’habitants autour des plantations et du jardinage dans les bacs  mais c’est très difficile d’amener les gens à s’impliquer. Ils ne se sentent pas trop concernés et c’est un peu décevant.