jeudi 15 décembre 2016

Confidences




Félix et Chantal - rue des Phalènes

Félix et Chantal ont tenu le salon de coiffure TOP COIFFURE, rue Saint-Vincent de Paul durant plus de vingt ans. Félix est parti à la retraite en janvier 2012.
C’était un salon qui est resté fermé 3 ans et ils ont remonté l’affaire en repartant de zéro. Le Sablar est un quartier qui est familier et sympathique avec un esprit de convivialité qu’ils ne retrouvent pas dans le centre ville de Dax. Tous leur collègues commerçants ont regretté de quitter le quartier. Pendant des années, le samedi soir après le travail, ils allaient tous ensemble prendre l’apéro entre commerçants au CAFE DU PONT. Dans ce café c’était incroyable le monde qu’il y avait et puis il a fermé.
Lorsqu’ils sont arrivés dans le quartier, Félix et sa famille a habité un appartement de l’immeuble le  Goya, le salon de coiffure était dans la galerie marchande, juste en dessous. A l’époque, tous les locaux étaient occupés, librairie, esthétique, encadreur, tissus au poids… et au 1er étage il y avait une salle de gym. Maintenant, c’est le désert. Certains ont cru au miracle en partant s’installer dans les centres commerciaux. Des rues entières se vident de leurs commerces. C’est préoccupant.
Avant de reprendre TOP COIFFURE, Félix est resté 11 ans dans le Béarn avec un associé. Ils habitaient à Navarrenx. Chantal était dans la comptabilité mais elle a été licenciée car elle avait la crampe de l’écrivain. Elle a été reconnue travailleur handicapé alors elle s’est reconvertie dans la coiffure.
Félix travaille encore deux jours par semaine au salon, il ne peut pas s’en passer. Maintenant c’est sa fille, Christelle qui le tient. Il a des clientes qu’il suit depuis des décennies et il a besoin d’être en contact avec les gens.
On a toujours dit qu’après le confessionnal c’est chez le coiffeur que les gens se confient. Il est prêt à encaisser toutes les confidences et reste discret. Certaines clientes disent « je vais chez le coiffeur pour me détendre », elles oublient les aléas du quotidien. Dans 80 % des cas, une cliente veut que l’on soit à son écoute. Au début de son mariage, Chantal ne comprenait pas qu’en rentrant chez lui, Félix avait besoin de faire le vide et de ne pas parler. Il n’allait pas lui raconter les petites histoires des unes et des autres, que le chien de madame une telle était mort et qu’elle était au fond du trou.

En 91, grâce à Monsieur et Madame Rosa ils ont trouvé un terrain rue des Phalènes et ils se sont embarqués dans la construction d’une maison. Ici c’est calme et l’ambiance entre voisins est sympathique. Chaque année ils organisent le repas des voisins et le soir du réveillon de Noël avec Papy Rosa, Félix participe à l’illumination du quartier du Sablar dans les rues alentours, organisée par les BARRICAÏRES. De 17h45 à 19h30, ils installent des petites bougies tous les 5 mètres depuis le rond-point d’AUTOVISION jusqu’au bout de l’allée Pampara et dans la rue des Phalènes, c’est une bougie tout les 2 mètres. D’autres membres des BARRICAÏRES en installent rue des Jonquilles, rue des Peupliers et rue des Vergnes. Le Sablar s’illumine pour fêter Noël.

Donner et recevoir




Rolande –Rue des Vergnes

Sur cette photo ce sont ses deux fils Eric son aîné et le second Didier. Cette photo a été prise au studio Raymond, dans les années 60.
Rolande est Castetière c’est à dire qu’elle est née à Castets, à 20 km d’ici, sur la route de Bordeaux.
Elle est arrivée au Sablar en 1964, l’année de son mariage avec Roger. En 1952, elle était entrée comme employée  de maison chez Maître Max Moras, le Maire de Dax. C’est lui qui les a mariés.
Elle a continué à travailler chez les Moras comme femme de ménage et Madame faisait appel à elle pour les grands repas. Rolande a toujours été une bonne cuisinière. Elle avait appris chez les sœurs à coudre, à broder, à cuisiner et à tenir une maison.
Cette année il n’y aura pas de foie frais à Noël à cause de la grippe aviaire.
Le mari de Rolande est né au Sablar, rue de la gare et quand elle s’est mariée, elle a aménagé chez sa belle-mère. Ensuite Roger et Rolande ont eu un logement HLM à Lespes, dans une des tours. Ils y sont restés 10 ans et en 77 Max Moras a pu leur faire avoir cette maison. C’est malheureux à dire mais il n’y a que le piston qui marche pour avoir un logement social. Elle en avait marre des tours avec du monde dessus et dessous. Au début tout se passait bien, c’était très calme mais après ça c’est un peu gâté.
Roger était la mascotte de l’USD, Union Sportive de Dax, le club de rugby. Tout petit les joueurs le faisaient suivre partout. Il a toujours joué au rugby. Son surnom « petite mascotte » lui est resté. Il était secrétaire chez CASTEX- plumes et duvet - jusqu’à son pépin cardiaque. Ensuite il est devenu vendeur indépendant dans la literie.
Rolande a travaillé aux Thermes puis en 1994 elle est partie travailler comme femme de chambre au SPLENDID où elle est restée jusqu’à la retraite. A l’époque elle doublait sa paye avec les pourboires. Maintenant les gens ne donnent plus comme autrefois.
Roger est décédé en 94 et leur fils cadet Vincent en décembre 95. Il aurait fait 41 ans le 15. Maintenant elle arrive à en parler facilement, avant elle ne pouvait pas l’évoquer. Souvent, Rolande communique avec eux. Quand Vincent était dans le coma, elle lui a demandé ce qu’elle devait faire pour l’aider. Elle a ressenti une grande chaleur et a reçu l’information qu’il était juste de donner ses organes pour sauver d’autres vies.
Que l’on sache donner si on veut recevoir. La vie ne fait pas de cadeau. Rolande est d’une famille de diabétiques. Sa grand-mère paternelle se mettait des sangsues derrière les oreilles pour nettoyer son sang. Elle partait avec elle dans les ruisseaux pour les attraper. Elle est décédée très âgée. Elle ramassait la carotte sauvage et les fleurs de camomille.

Rolande anime l’association les BARRICAÏRES avec son fils Didier qui en est le président. Cette association de quartier s’est créée pour proposer des animations aux habitants du Sablar. Chaque année en mai, ils organisent un grand loto, des jeux pour les enfants et un repas. L’année dernière, au menu c’était salade landaise avec graisserons et boudin, croupions, fromage et dessert. Un grand chapiteau est dressé sur la place du Maréchal Joffre et le dimanche pour clôturer les festivités c’est les floralies. 

mercredi 14 décembre 2016

Authentique




Henri Gérard Laborde – Rue des Narcisses

Gérard est né dans le bas Sablar, 90 avenue de Strasbourg (avenue des Tuileries) pendant la guerre, en 1943. Sa mère lui racontait qu’elle crachait dans les képis des officiers allemands qui venaient dans le plus beau magasin de lingerie de Dax, où elle travaillait. C’était rue des Carmes à la MANUFACTURE TRESAUGUE. Elle était sténo-dactylo mais en fait elle faisait marcher l’entreprise.
Les gens ne parlaient pas de ce qui s’était passé durant la guerre. Pour faire sortir les histoires des gens il faut s’accrocher !
En ce moment, Gérard travaille sur l’histoire des américains à Dax en 1918. A Dax, même les édiles locales ne savent pas que les américains sont venus. Il y a une occultation de la mémoire collective sur bien des choses.
Il est resté au  Sablar jusqu’en 1956, il y a fait sa communion et même s’il allait en colo chez les curés, il distribuait l’Humanité dimanche sous les portes avec sa grand-mère. Il allait plutôt au patronage des curés pour y jouer au foot. Au patronage laïc des normaliens c’était pas son truc.
Au Sablar, il a fréquenté  l’école du Cap dou poun (tête du pont). Aujourd’hui il reste encore le mur des pissotières de l’école.
Gérard est dacquo-dacquois et il est une référence dans l’histoire locale. Il a écrit plusieurs livres dont les plus fameux sont un ouvrage sur la course landaise et l’autre sur Maurice Boyau, le 5eme as français de la grande guerre. 35 victoires homologuées. Dax l’a récupéré mais il est né en Algérie.
Les gens de Dax n’ont jamais été gaulois. Ils étaient gascons et moitié sarrasins. La Gaule s’arrêtait au nord de Bordeaux.
Gérard a vécu 25 ans à Pomares, il était instituteur et directeur de l’école. Il n’a jamais dit aux gamins que leurs ancêtres étaient gaulois. Il n’a jamais transigé avec ça.
Depuis Tartas, il partait des amphores remplies d’ortolans pour faire manger les empereurs romains, César et Néron.
L’histoire lui a toujours posé problème dans sa carrière d’enseignant car elle est remplie de mensonges et de falsifications. Il se demande même si la vraie histoire existe. Selon que vous êtes dans un camp ou dans l’autre elle sera très différente. Il faut toujours garder son libre arbitre contre vents et marées.
Quand il était petit les Albaladego habitaient juste derrière chez lui. Tout le monde prenait l’air le long de l’Adour, ils étaient chaque soir 50 ou 60 assis sur le parapet. Ils jouaient aux quilles chez PEYROUX. A cette époque il y avait la vie. Les gens vivaient réellement les uns avec les autres.
Cette impression de vie authentique et spontanée il la retrouve à la chasse car la chasse vient du fond des âges.


Trouver sa voie




Zhana–Rue Saint-Vincent de Paul

La famille de Zhana est originaire d’un petit village dans les montagnes au sud de la Bulgarie, tout près de la frontière avec la Grèce qui s’appelle Kesten. Ses deux grand-mères y vivent toujours. Ses parents y sont nés. Il n’y a pas de route, juste un chemin de pierre pour y accéder. Chaque été, elle s’y rend avec son mari et ses filles.
Zhana m’offre une tisane de Mursalski tchaï qui est cultivé dans ces montagnes.
Elle s’est mariée avec Siméon en 2009 et ils ont décidé de venir en France parce qu’en Bulgarie c’était dur surtout au niveau du salaire. Le salaire minimum est très bas alors que le niveau de vie est pratiquement le même qu’en France.
Ils ont débarqué à Marseille chez une cousine et tout de suite Siméon a trouvé du travail dans le bâtiment avec le mari de la cousine. Par des relations, ils ont été tous les deux recrutés pour se mettre au service d’une dame atteinte de la maladie d’Elzeimer qui habitait une propriété à Momuy près d’Hagetmau. C’est comme ça qu’ils ont atterri dans les landes. Ils étaient logés. Zhana s’occupait de la dame et Siméon bricolait. L’employeur leur a fait les papiers et ils étaient en règle. L’histoire s’est mal finie et ils ont eu 48 heures pour quitter les lieu. Heureusement qu’ils avaient assez épargné pour s’acheter une voiture. Ils ont filé vers Dax et se sont installés dans un studio au Sablar, derrière le cinéma. Le propriétaire n’était pas trop regardant sur leur situation précaire du moment qu’il touchait le loyer. Puis Zhana est tombée enceinte et il a fallu qu’il trouve un appartement plus grand. Ils sont arrivés dans celui-ci deux jours avant la naissance de Christine.
Siméon aimerait avoir une maison. En Bulgarie, la plupart des gens on leur propre maison et les parents essayent toujours d’assurer le logement à leurs enfants pour qu’ils fondent une famille. Là-bas avant de se marier il faut avoir la maison. Mais actuellement cette pratique se perd un peu, surtout dans les grandes villes.  
Zhana parle parfaitement le français car elle a étudié le français au lycée bilingue puis à la faculté. Elle a un diplôme de traductrice. Elle a fait plein de petits boulots en intérim. Elle a fait les asperges en saisonnière à Castex. Puis elle a repris ses études pour être institutrice en faisant une année spéciale Métiers de l’enseignement. Elle a bossé jours et nuits pendant un an : la biologie, la physique, les maths, le français,  l’EPS, la psycho, le développement de l’enfant… Elle a validé toutes les matières mais n’a pas réussi le concours. Pour l’instant, elle a abandonné cette piste. Elle suit ses ambitions et ne se laisse pas faire aussi a-t- elle passé le CAP Petite enfance en candidat libre. Avec son CAP en poche, elle s’est présentée au  concours pour être ATSEM (agent territorial spécialisé des écoles maternelles)  le 17 octobre, elle attend les résultats. Il y a 1500 candidats pour 40 places. En attendant, Zhana a été embauchée en contrat aidé à la Mairie de Dax pour travailler dans une école, elle est à la cantine et à l’animation en renfort, cela lui fait de l’expérience. Le plus dur était de trouver sa voie.

mardi 29 novembre 2016

Remonter la pente




Bernadette – Tour de Lespes

Bernadette a passé 52 ans de vie commune avec son mari. Il est décédé il y aura un an le 5 janvier prochain. Il était à la retraite depuis 2000 et il s’est mis à la généalogie avec passion. Toutes ses recherches accumulées sont dans l’armoire et Bernadette ne peut pas y toucher. C’est un empire de papiers ! De voir tout ce travail la rend triste. Elle se demande si cette obsession ne l’a pas rendu malade. Dès le premier jour de sa retraite il est devenu accro à la recherche généalogique. Il s’était transformé en véritable détective et Bernadette l’aidait. Ils partaient ensemble pour ses recherches, à droite à gauche. Il sortait tous les jours  pour aller aux archives lire des microfilms.
Maintenant Bernadette est seule et le soir elle s’ennuie mais elle a remonté la pente assez facilement. Elle s’est raisonnée. Elle vit pour sa fille et ses petits enfants qui sont à Carcasonne.
Sa voisine de palier a perdu son mari il y a 10 ans. Elles ont toujours été soudées et elles se connaissent depuis 50 ans. Bernadette pense qu’elle ne pourra pas l’entraîner dans une relation avec moi car elle est très discrète. Simone en haut c’est pareil. Elle a un copain et va jouer aux boules.
Dans la maison, Bernadette a toujours tout fait : les courses, le ménage, la paperasse. Souvent son mari disait « Il vaut mieux que ce soit moi qui parte le premier ». Ils étaient un couple avec des hauts et des bas. Il avait du caractère. Elle, elle laissait passer.
Bernadette est née à Parentis, son mari à Beaugency dans le Val de Loire. Lui, il aimait la haute lande alors ils se sont installés à Dax. Elle a travaillé aux chaussures BCD, ex CHAUSSURES DACQUOISES. L’usine appartenait à Monsieur Clément, adjoint au Maire Max Morras. Sous Giscard en 1976, les employés ont été licenciés, et Bernadette a occupé l’usine avec ses collègues pendant 15 jours et 15 nuits.
Elle est dans cet appartement depuis 1968, c’était neuf et il fallait que les appartements se remplissent aussi ils n’ont pas eu trop de mal à l’obtenir. Bernadette avait une cousine germaine qui connaissait bien Maître Gizard et elle lui en avait touché un mot. A l’époque les locataires étaient des gens bien. Sa fille voudrait  qu’elle parte d’ici mais ce serait dur pour elle. L’appartement est bien conçu avec un grand balcon et deux chambres. Au 7eme étage la vue est magnifique. Ce qu’elle aime ici c’est que c’est la ville à la campagne. L’été elle met la table et le parasol sur le balcon et elle en profite.

Tous les samedis matin Bernadette se lève à 5h30 pour aller au marché. Elle part à 6h40 pour y être à 7h00. Elle gare sa voiture à Chanzy, toujours à la même place. A cette heure là il n’y a pas grand monde sur le marché pour discuter. A 8h15, elle est revenue avec le pain frais qu’elle fait griller pour son petit déjeuner accompagné de beurre et de confiture.  

Tranquilité




René et Myriam – Résidence Les Tonneliers

René se rase assis à la table de la salle à manger parce qu’il ne peut pas rester debout à cause de ses lombaires. Il a eu des hernies discales et s’est fait opéré du cœur 2 fois. Changement d’une valve, contrôle et retour à Haut-Levêque ! Il y avait de l’eau autour du cœur. Ils l’ont complètement haché. Deux anesthésies dans la semaine lui ont fait perdre la tête. Ils ont même été obligés de l’attacher au lit. René s’en est sorti. Il a perdu le nerf sciatique de la jambe gauche qui est complètement naze aussi il marche avec un déambulateur. Il dit avec humour que sa jambe est partie au cimetière.
Dans la maison c’est lui qui commande, ce n’est pas le chien. Il a aboyé toute la nuit, il mange trop de cochonneries. Hier il a passé 2 heures sur le balcon à attendre Myriam, il a attrapé froid.
Depuis 2014, René attend que le bailleur refasse les façades et l’isolation de la résidence. L’appartement est très humide. René et sa compagne Myriam habitent la Résidence des Tonneliers depuis 8 ans, avant ils étaient rue Chanzy. Il était gardien de la résidence STUDIOS FOCH et madame était concierge. Ils y sont restés 5 ans. C’est là qu’il s’est bousillé le dos et elle toute seule ne pouvait pas tout faire, alors ils ont été obligés de partir. Ils achetaient des fleurs et égaillaient les espaces verts. Ils avaient un balcon magnifique plein de géraniums. C’est dommage qu’il n’ait pas de photo. En fait, la pellicule est toujours dans l’appareil, depuis le temps. C’est un appareil photo argentique, un Olympus, une bonne marque.
René et Myriam ont bataillé pour obtenir cet appartement. L’office HLM voulait les mettre au 7eme étage d’une des tours de LESPES mais pas question car les ascenseurs tombent souvent en panne. Ils ont demandé à avoir un petit pavillon pour être plus tranquilles. Ici, ils ne peuvent même pas se mettre sur le balcon pour prendre les repas, les gens passent presque au raz de la table. Ils sont en train de manger et les gens regardent dans leur assiette.
Myriam va faire ses courses au Leader Price presque tous les matins puis elle va promener Tao. Le coiffeur et le toiletteur pour chien viennent à domicile. C’est pas plus cher et c’est pratique.
Ils ne reçoivent jamais personne. Avec les voisins c’est juste bonjour, bonsoir. Ils aiment leur tranquillité sinon ça fait des histoires. Chacun chez soi mais si quelqu’un a besoin d’eux, ils sont là !

Tous les soirs René et Myriam regardent « Plus belle la vie ». Myriam a longtemps regardé « Les feux de l’amour » mais maintenant ça l’énerve, c’est toujours les mêmes histoires. La femme de Victor qui boit, qui cache les bouteilles, qui divorce puis se remarie avec lui. Ils se sont remariés 3 ou 4 fois... La vieille Chancelor est morte il y a un an mais elle est toujours dans le feuilleton.

vendredi 18 novembre 2016

Voltigeuse



Nathalie –Résidence Les Tonneliers

Nathalie a pris un chat pour le sommeil et c’est efficace. Le ronronnement l’apaise et grâce à Mystic elle dort beaucoup mieux. Quand elle a mal à l’épaule, le chat s’y met dessus pour la réchauffer.
Elle est originaire de Dax, du quartier de Berre et est arrivée au Sablar machinalement. Avant elle habitait avenue Saint-Vincent de Paul et a fait une demande aux HLM pour un appartement dans la résidence. Elle est à 5mn de son travail.
Nathalie est conductrice de cars à la société RDTL. Elle fait le bus de ville, les scolaires, les navettes, le service à la demande, les voyages organisés dans toutes les landes et au-delà pour amener des groupes. Dans l’entreprise, elle est ce qu’ils appellent une voltigeuse, c’est à dire qu’elle passe d’un service à l’autre pour des remplacements. Elle aime être voltigeuse car ainsi elle ne s’ennuie pas et rencontre toujours des gens différents. Elle voyage et découvre de nouveaux endroits comme quand elle amène des gens à la montagne. L’autre jour elle a découvert le Pic d’Ossau.
Avant d’être chauffeur de car, Nathalie a fait plein de boulots : cuistot, boulangère, livreuse de pain.
Elle n’aime pas rester sans rien faire, ça la fatigue.
Depuis l’année dernière, elle s’est engagée dans l’association les POTS EN VILLE qui a pour but de mettre en place des bacs dans le quartier pour y planter des légumes, des fleurs, des plantes aromatiques. En principe l’association doit regrouper le maximum d’habitants autour des plantations et du jardinage dans les bacs  mais c’est très difficile d’amener les gens à s’impliquer. Ils ne se sentent pas trop concernés et c’est un peu décevant.  


Toujours là



Jean – Rue de l’Aiglon

Sa mère est née dans le quartier du Sablar et lui y a vu le jour il y a 90 ans, une paille !
Sa famille est du bas Sablar. Le bas Sablar c’est à partir du pont de l’Adour et tout le long de l’Adour. Le Sablar c’est du pont de l’Adour jusqu’à la Gare, avec l’avenue Saint-Vincent de Paul et l’avenue Georges Cholet. Jean a passé toute sa vie dans le quartier, il a toujours été là. Avant, il habitait avec ses parents une vieille maison au bord de l’Adour. Lors des grandes inondations de 1952, l’eau est arrivée jusqu’au plafond de la cuisine et il y avait 1m50 d’eau dans toutes les rues du quartier. C’était le 6 février 1956, il avait 26 ans. Il habite le lotissement CASTEX, du nom du propriétaire de l’usine de plumes. Avant, c’était des braous (sorte de marécages). A cette époque, dans les années 50, il y avait le CAFE DE LA BOURSE, où se retrouvaient tous les industriels du bois de la région pour les échanges commerciaux, à sa place maintenant il y a l’immeuble LE GOYA. Il y avait aussi le COMPTOIR D’ESCOMPTE, l’usine de cire AKEONE, l’imprimerie CAZAUX, la SOCIETE MINIERE, la FONDERIE LESPES, les TUILERIES LASSERRE.
Jean n’y voit presque plus. Il a subi 9 opérations des yeux. Il est devenu dépendant et il doit toujours demander à quelqu’un pour qu’on l’amène. Il a deux aides ménagères. Il va avec elles faire ses courses au Leader Price, à côté. Il va jouer aux cartes avec son voisin Lucien à la salle des jonquilles tous les jeudis après-midi. Ils sont voisins depuis plus de 50 ans et veufs tous les deux. Leurs deux grandes maisons sont l’une en face de l’autre.
Jean a commencé à travailler dans la banque puis il est rentré aux CHAUSSURES DACQUOISES puis à l’usine de chaussures ROVAN, sur la route de Castets,  en tant que comptable. Il a fait sa vie dans la comptabilité. Il a pris sa retraite en 1988 et quelques mois après l’usine a fermé.
Il n’a pas eu d’enfant avec sa femme, ce n’est pas arrivé. Ils ont fêté leurs 50 ans de mariage en 2004. Elle est décédée d’une leucémie.
Jean a toujours pris la vie du bon côté. Pour lui tout va bien même si elle n’a pas été parfaite. Il a des soucis de santé mais il y fait face. Il faut bien. 


Travailler



Josette – rue des Vergnes.  

Josette habite le quartier du Sablar depuis 1991 et vit à Dax depuis 1951. Elle était seule avec quatre enfants et a dû attendre 10 ans pour avoir cette maison HLM. Pour elle, si vous n’êtes pas pistonné vous ne pouvez pas avoir de logement social. Son mari les a abandonnés pour une autre femme et le comble c’est que lorsqu’elle est arrivée rue des Vergnes avec ses enfants, lui il habitait juste en face, dans la même rue, avec sa copine. Les enfants n’allaient jamais voir leur père. Pendant longtemps, elle ne le voyait que le week-end pour lui laver son linge.
Comme elle était seule et sans aucune aide, il a bien fallu que Josette se débrouille. Quand elle a accouché de son dernier enfant à l’Hôpital de Dax en 1965, la mairie devait lui envoyer une assistante sociale, elle l’attend encore.
Josette a travaillé dur. Elle faisait les bureaux chez des avocats et  des notaires. Levée à 4 heures du matin pour embaucher à 4 heures et demi. Les gosses se débrouillaient tous seul avec l’ainée qui s’en occupait. Il fallait qu’ils se lèvent, déjeunent et que les lits soient fait au cordeau !
Après les ménages du matin, Josette embauchait à l’école à Saint-Vincent pour faire la cantine et la garderie, l’après-midi elle retournait faire des ménages. Elle n’arrêtait pas, il le fallait bien.
Ici, dans sa maison, elle est bien surtout qu’elle a un jardin. Elle vient de la campagne, de Montaut entre Mugron et Saint-Sever. Elle a été à l’école jusqu’à 14 ans, elle a débarqué à Dax toute jeune pour entrer  chez MORAS, un couple de bijoutiers. Elle faisait le ménage, le repassage, les courses, le magasin. Elle y est restée jusqu’à leur mort.
C’est là qu’elle est partie travailler au Richelieu, à la lingerie, cela n’a duré qu’un mois. Monsieur PRADIER, le  médecin lui a dit « Ce n’est pas pour vous ce travail, vous allez venir travailler chez moi », elle y est restée 18 ans.
Jusqu’à sa retraite, chaque été,  elle travaillait à la cuisine dans une colonie de vacances et quand ses enfants étaient jeunes elle les embarquait avec elle.
Tous les mercredis du 1er janvier au 31 décembre  elle va au cours de gym à l’ASPTT. Elle ne sait pas jouer aux cartes et ne peut pas faire d’activités manuelles car ses mains tremblent. Elle a vu des neurologues qui lui ont dit que ce n’était pas grave. La vieillesse sans doute ! Auguste, c’est son copain. Il l’aide un peu et bricole dans la maison. Ils se sont rencontrés aux Baléares il y a 17 ans. Depuis cette première rencontre ils ne se sont plus quittés. Il vit dans un mobile home à Salle, dans un camping et Josette y va l’été, c’est tout près de l’océan. Il y a exactement 102 kilomètres entre Dax et Salle.

jeudi 17 novembre 2016

Continuité



Chantale - rue des tuileries

Chantale est née chez Loustalot, dans une chambre de l’hôtel au dessus du restaurant. C’est tante Suzanne, la tante de Michel qui l’a fait naître. Sa mère travaillait chez Loustalot et y habitait avec elle. Son père était parti faire l’Indochine, puis l’Algérie. Elle a passé pratiquement toute son enfance chez Loustalot. C’était sa véritable famille, sa famille de cœur.  Dès qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas chez elle, elle partait se réfugier chez Loustalot. C’était son havre de paix. Elle a grandi avec Michel, avec sa sœur Danielle, avec le cousin Jojo, le fils de tante Suzanne. Entre Michel et Chantale il y avait  quelque chose de plus fort que  l’amitié. Michel était son protecteur. Il l’appelait la Gitane et dès qu’il la perdait de vue il la cherchait.
Michel est toujours resté là.  A l’âge de 16 ans, les parents de Chantale ont pris un café restaurant à Pau et elle est partie avec eux.  Ils n’avaient aucun moyen de communication à l’époque.
Elle a l’impression que son père a toujours tout fait pour la séparer des gens qu’elle aimait vraiment et donc de Michel et sa famille.  Il n’avait pas eu d’enfance heureuse, abandonné par leur mère avec ses frères et sœurs dans une caverne à la frontière espagnole. Jusqu’à son dernier souffle il a été froid et distant si bien que sur son lit de mort Chantale a remis dans sa poche les mots gentils qu’elle aurait voulu lui dire.

Michel s’est marié avec une femme du même acabit que Chantale : petite, blonde, mince ; sa réplique. Elle, elle est partie à droite à gauche. Elle s’est installée à Dieppe avec le père de son fils mais elle revenait toujours chez Loustalot pour manger et y dormir. Au fil des années il fallait toujours qu’ils se voient. Ils respectaient leurs conjoints respectifs mais étaient toujours très heureux de se retrouver. Quand Michel est devenu veuf, Chantale vivait seule, à Sète.  Chaque année, elle avait l’habitude de lui souhaiter son anniversaire. Elle l’appelait « mon petit frère ». L’année dernière elle lui a écrit sur facebook « Bon anniversaire petit frère ». Il a répondu et lui a demandé son numéro de téléphone. Il lui a téléphoné et lui a dit « Si je viens passer quelques jours de vacances vers chez toi, tu me reçois ? ». Elle lui a dit de venir et ils sont tombés dans les bras l’un de l’autre. Et depuis ils ne se sont plus quittés. Ils ont l’impression d’avoir toujours vécu ensemble,  comme si c’était une continuité.

S'élever



Georgette et Sauveur – Rue des Jonquilles

Georgette et Sauveur sont arrivés de Bourriot, à 50 km au nord de Mont de Marsan,  il y a quatre ans. C’était beau, il y avait la forêt tout autour de chez eux. Ils ont dû se rapprocher d’un hôpital pour Georgette qui est handicapée. Ils ont choisi Dax parce qu’ils avaient vécu durant près de 40 ans à la Cilof à Dax. Georgette a des prothèses de titane aux deux genoux. Elle a subi 21 opérations chirurgicales, la première à l’âge de 9 ans. Ce sont des épreuves qui lui ont été envoyées dans cette vie pour qu’elle s’élève et qu’elle élève les autres aussi.
Sauveur est là pour s’occuper du  corps humain de Georgette, pour prendre soin d’elle pendant qu’elle est occupée à d’autres choses. Elle s’élève en élevant les autres et elle demande à ses guides de l’aider. Des gens viennent à elle car d’instinct ils savent qu’elle peut les aider. Dans la famille de sa mère ils étaient tous un peu guérisseur. Toute petite elle tirait les cartes et disait l’avenir aux gens. Un jour son oncle est arrivé de Paris à Dax et là elle a appris qu’il était le magnétiseur de Claude François. Il l’a initié. Il lui a dit « De toutes façons je n’ai rien à t’apprendre, tu sais déjà tout ». Depuis, elle a fait son chemin avec ses guides qui lui ont indiqué qu’elle devait donner son savoir.
 Leur fils cadet, « celui qui ne voulait pas naître » disent-ils est passeur d’âmes. Georgette a fais trois fausses couches avant qu’il naisse « mort » avec 30 jours de retard. Au monitoring il fut diagnostiqué mort mais il a pu être réanimé et aujourd’hui c’est un grand gaillard.
Georgette et Sauveur sont ensemble depuis 1971. Ils se sont connus dans un bal près de Nice, c’était un 1er mai pour la fête des fraises.
Pourtant à l’époque Sauveur ne faisait pas confiance aux femmes et ne voulait pas se marier. Le 6 mai de l’année suivante ils se sont épousés.
Sauveur pratique les arts martiaux depuis 50 ans, le judo et le jujidsu qui lui ont appris à maîtriser l’énergie pour s’élever sur terre en tant qu’être humain. Le matin il prend l’énergie cosmique du ciel, le soir l’énergie  tellurique de la terre. Il n’a jamais eu à se battre car les gens savaient qu’il était maitre en art martial. Sur un même point tu peux donner la vie et tu peux donner la mort.   

Dans le quartier Sauveur rend énormément de services aux gens. Il bricole, répare, dépanne tout le monde si c’est dans ses cordes. L’autre jour Colette n’avait plus de chauffage, il l’a remis en route. Il fait ce qu’il peut. Il a pas mal d’outillage. Sauveur se sent mal quand il ne peut pas aider les autres. Tondre le gazon, réparer un miroir, installer une tringle, fabriquer des meubles… Il y a toujours un échange en retour… un gâteau, un repas. Il ne veut pas d’argent, il n’en a pas besoin. Est ce que l’argent va les enrichir ? 
En fait, Sauveur veut sauver le monde !  


mercredi 12 octobre 2016

Collègues



Colette - rue des Tulipes

Avant de venir ici dans une maison PLR avec son mari, Colette a habité à Lespes pendant 10 ans. Son mari avait fait 4 infarctus, le premier à 36 ans, aussi il leur fallait absolument une maison en rez-de-chaussée.
Elle a travaillé comme piqueuse à l’usine de chaussures REVAN, sur la route de Bordeaux qui l’a licenciée en 1984. Elle a été couturière et brodeuse  à Paris chez BALMAIN durant 20 ans avant de revenir en Chalosse pour s’occuper des ses parents.
Colette est bien dans sa maison et son quartier. L’enlever d’ici pour une maison de retraite, il n’en est pas question. De toutes façons avec 1250 euros de retraite par mois, elle n’en a pas les moyens. Sa fille est décédée il y a 2 ans au mois de juin. Elle devait aller vivre chez elle. Elles étaient très proches. Depuis des années et des années il y a des drames dans sa vie.
Colette a beaucoup d’amis et des collègues de scrabble et des chiffres et des lettres. Elle a participé à des tournois nationaux pendant plus de 20 ans. Elle n’aime pas dire copains, copines alors elle dit collègues.
Elle reste aussi fidèle à la salle des Jonquilles, pour jouer aux cartes, prendre un goûter, ça lui fait passer l’après- midi. Aujourd’hui, Colette a mal partout à cause d’une crise d’arthrose, elle met des patchs de morphine.

Le marchand de poisson est passé ce matin, il passe tous les jeudis matin dans le Sablar. Elle s’est pris 2 belles tranches d’ébonite et un peu de brandade.  

Avancer dans la vie



Marie-France - rue des Jonquilles

Marie-France est touche à tout. Avant, elle n’était pas du tout manuelle. Quand elle était malade, une amie lui a offert un livre avec des fleurs séchées et ce livre l’a inspiré. Elle s’est ensuite mise à la broderie, à la peinture, à la poterie, à la fabrication de carte. Maintenant qu’elle est à la retraite, les travaux manuels constituent son activité principale. C’est un passe temps qui lui apporte beaucoup de plaisir et lui donne l’impression d’avancer dans la vie, de ne pas stagner.
Marie-France a travaillé  dans le commerce, dans l’alimentation comme vendeuse. Son grand-père était voyageur de commerce et déjà toute jeune elle voulait faire comme lui, au grand désespoir de sa mère qui souhaitait qu’elle rentre dans l’administration comme fonctionnaire. A l’époque toutes les voisines de son âge rentraient à la Poste ou à la SNCF. A 14 ans, juste après le certificat d’étude, elle répond à une annonce dans le Sud-Ouest de chez Lembey à Saint-Paul qui cherchait une apprentie. Madame Lembey est venue à la maison dès le lendemain et m’a tout de suite embauchée ! J’ai dit à ma mère « Va m’acheter un tablier blanc, dans 8 jours je rentre chez Lembey ». Elle n’était pas contente. Marie-France faisait de sacrés horaires et était payé rien du tout ; juste de quoi s'acheter un solex en fin d’année mais elle ne s’est jamais plainte.
Elle est née au bord de l’Adour, juste de l’autre côté du chemin de fer, de l’autre côté du Sablar. Mais elle faisait quand même partie du quartier. Elle allait à l’école au Sablar, au catéchisme au Sablar.
Elle a mis 24 ans à obtenir une petite maison rue des Jonquilles. Elle a fait des pieds et des mains pour l’avoir. Elle y tenait vraiment car à cet endroit même son père avait à un jardin ouvrier dans lequel il cultivait des arômes que sa mère vendait le samedi sur le marché.
Marie-France est bien ici même si elle trouve que le quartier ne bouge pas assez. Elle se sent un peu en retrait par rapport à la ville et ne passe pas très souvent le pont pour aller de l’autre côté, dans le centre de Dax.


La porte ouverte



Simone  - Lespes

Simone Bégu habite dans la Tour A de Lespes depuis le 1er aout 1967. Elle me dit : « 50 ans, l’année prochaine, on boira le champagne ! Si je suis encore là… mais il faut pas trop le dire. »
Voilà près de 12 ans que Simone n’est pas sortie. Elle s’y est habituée. Quand elle sort, elle a l’impression que tout va lui tomber dessus. Elle a 92 ans et tous les gens de son âge sont morts. Dans sa tête elle n’a pas 92ans. Elle a tellement bataillé dans sa vie qu’elle a eu énormément de force. Elle a perdu son mari, ses frères, ses belles-sœurs, des neveux… coup sur coup, alors elle est en dépression. « Je suis clouée chez moi, on s’habitue à tout » me dit-elle. Elle a le balcon et son chat. Elle laisse toujours la porte ouverte.
Simone se sent très bien au Sablar et elle s’est longtemps occupée du Foyer, rue des Jonquilles, des enfants comme des personnes âgées. Elle était très dévouée. Elle a travaillé 40 ans aux Nouvelles galeries, rentrée comme vendeuse, sortie chef de rayon.
Son mari est mort à 59 ans, elle en avait 57. Elle a gardé son mari 30 ans et cela suffisait. Quand elle est tombée veuve, tout le monde est arrivé pour la soutenir, les religieuses, les curés, les amis et c’est là qu’elle a commencé à s’investir dans le foyer, à s’occuper des autres. De tout ça, il ne reste plus rien alors Simone se demande ce qu’elle fiche encore ici. Dieu l’a-t-il oublié ?
« Les gens ne restent pas sur terre, ce n’est qu’un passage. »